FMH, organisation professionnelle
 

Formation postgraduée : faire face à la pression sur les ressources de manière innovante

Promotion de projets par l’ISFM : Cette année, l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM) récompense pour la sixième fois déjà des initiatives visant à améliorer la formation des médecins. Quels sont les effets concrets de cette promotion ? Les responsables des projets primés en 2023 répondent à nos questions.

Fabienne Hohl
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ISFM/Journaliste indépendante

La promotion de projets de l’ISFM est une manière d’investir dans des domaines que les expertes et experts identifient comme susceptibles de faire progresser la formation médicale postgraduée malgré des ressources limitées et de la préparer aux défis de demain. Dans ce contexte, les instruments numériques utilisés sous différentes formes dans tous les projets de promotion de l’année 2023 présentent un fort potentiel. Le projet de l’Hôpital cantonal de Bâle-Campagne, le Surgical Skills und Training Lab, vise à introduire des lunettes de réalité virtuelle et des bras haptiques, tandis que le réseau de formation continue NICE pour la médecine intensive de l’Hôpital cantonal de Lucerne a créé une plateforme d’apprentissage en ligne pour une préparation optimale des cours en présentiel et organisé des journées de formation en réseau ; l’Université de Zurich propose quant à elle une formation interprofessionnelle sur la communication des erreurs, qui combine un enseignement à distance assisté par l’IA et l’entraînement par simulation.

Exercices en réalité virtuelle pour l’orthopédie
Pourquoi ce projet est-il nécessaire
Michael Hirschmann : Tant l’économicisation de la médecine que les temps de travail de plus en plus courts constituent des défis majeurs pour la formation médicale postgraduée. Cela concerne tout particulièrement les disciplines chirurgicales, car les médecins en formation doivent y acquérir non seulement des connaissances théoriques, mais aussi le savoir-faire opératoire. Cette situation nous a amenés à remettre en question le concept de formation postgraduée suivi jusqu’à présent, car seule la salle d’opération y est prévue comme lieu pour acquérir la formation pratique. C’est ainsi que le Surgical Skills und Training Lab a été créé en 2022 à l’Hôpital cantonal de Bâle-Campagne. Celui-ci est à la disposition de tous les médecins en formation en chirurgie de l’établissement, et ce 24 heures sur 24. Ils peuvent y apprendre le métier sur les outils les plus divers, de manière autonome et sans contrainte de temps, par exemple en sciant des os artificiels avec des instruments originaux, en suturant de la peau artificielle ou en utilisant un simulateur d’arthroscopie. Grâce à la promotion de projets de l’ISFM, d’autres outils de réalité virtuelle ou augmentée ont désormais fait leur entrée dans le Training Lab.

Ce que la promotion de projets de l’ISFM a permis de réaliser La subvention de l’ISFM a largement contribué à l’achat de lunettes de réalité virtuelle équipées de bras haptiques. Les utilisatrices et utilisateurs évoluent non seulement dans une salle d’opération virtuelle, mais ils peuvent également sentir les divers instruments tels que les scies ou les forets dans leur main ; ils reçoivent en outre un feed-back haptique, par exemple lors du contact avec l’os virtuel ou du positionnement d’une vis. Il est par exemple possible de simuler une opération de prothèse de genou avec un certain réalisme. Il est à mon avis difficile de quantifier l’impact réel de l’entraînement virtuel. Mais il améliore très nettement la compréhension des différentes étapes d’une opération. En conséquence, les jeunes collègues arrivent plus rapidement à s’impliquer activement dans les opérations, et c’est très attrayant. D’ailleurs, notre situation en matière de candidatures en est la preuve. Elle est très bonne, ce qui n’est pas le cas de la plupart des cliniques en Suisse. Nous avons aussi moins de fluctuation, ce qui crée naturellement une belle continuité.

 
Prof. Dr. med. Michael Hirschmann

Prof. Michael Hirschmann, médecin-chef, clinique d’orthopédie et de traumatologie de l’appareil locomoteur, Hôpital cantonal de Bâle-Campagne.
Contact : [email protected]

 


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Nous voulons permettre aux jeunes médecins d’avancer à leur rythme dans les nouvelles expériences de leur apprentissage.

Michael Hirschmann

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Les prochaines étapes Actuellement, nous discutons au sein de la clinique sous quelle forme intégrer ce type de formation dans notre catalogue : combien de séances pratiques faut-il prévoir dans le cursus avant que les médecins en formation puissent participer à une opération ? Dès que nous aurons fixé le cadre, nous mettrons nos expériences à disposition dans un guide à l’intention d’autres instituts de formation intéressés. Nous sommes également en train de terminer une étude concomitante sur l’utilisation et l’effet des outils de réalité virtuelle. Avec cette publication, nous souhaitons aussi lancer le débat académique sur cette méthode de formation innovante, car nous voulons permettre aux jeunes médecins d’avancer à leur rythme dans les nouvelles expériences de leur apprentissage. En outre, les outils « intelligents » relativement compacts, comme le kit lunettes de réalité virtuelle et bras haptiques que nous avons introduit dans notre hôpital, me semblent être une solution d’avenir : ils sont financièrement accessibles même pour les petits établissements et ont le potentiel de transmettre les compétences les plus diverses.

Réseau NICE pour la médecine intensive
Pourquoi ce projet est-il nécessaire
Johannes Strehler : NICE, le Network for Intensive Care Education, agit contre les ressources limitées en temps et en personnel dans les unités de soins intensifs. Il s’agit d’une plateforme en ligne qui met à disposition du matériel d’apprentissage standardisé sous une forme attrayante pour une formation personnelle sur des appareils mobiles. Les médecins en formation peuvent se préparer individuellement aux cours en présentiel à un moment qu’ils choisissent librement – et 75 à 80 % d’entre eux le font pendant leur temps libre. Ils peuvent s’organiser de manière interactive selon leur besoin pratique, ce qui est très apprécié. De plus, grâce aux bonnes bases théoriques de l’ensemble des participantes et participants, ces formations ne sont pas seulement intéressantes pour les médecins en rotation, mais aussi pour les futurs médecins en soins intensifs. En réalité, 50 à 75 % des médecins en formation accomplissent uniquement une rotation en médecine intensive car ils visent de facto un autre titre de spécialiste. Cela signifie que les compétences de base doivent en moyenne être enseignées tous les six mois. C’est un défi de taille pour le roulement des équipes avec une charge de travail qui varie fortement sans pouvoir être planifiée.

Ce que la promotion de projets de l’ISFM a permis de réaliser Grâce à la subvention accordée dans le cadre de la promotion du projet par l’ISFM, nous pouvons payer les frais administratifs relativement élevés liés à l’insertion des cours dans le système de gestion de la formation (LMS) et en décharger ainsi les médecins spécialistes. Il en va de même pour l’aide apportée aux autres partenaires du réseau NICE lors de la mise en place du LMS. Une petite partie de l’argent de la subvention est consacrée à l’évaluation scientifique de la formation basée sur la plateforme. Par ailleurs, le projet NICE a gagné en notoriété grâce à la promotion de l’ISFM. Actuellement, le nombre d’instituts partenaires intéressés est supérieur à ce que nous pouvons accueillir dans le réseau pour des raisons d’organisation. De plus, des entretiens sont en cours avec plusieurs sponsors potentiels. Les candidatures que nous recevons pour les postes de formation postgraduée sont aussi beaucoup plus nombreuses aujourd’hui.

 
Dr. med. Johannes Strehler EMBA

Dr Johannes Strehler, EMBA, co-médecin-chef du centre de médecine intensive, Hôpital cantonal de Lucerne.
Contact: [email protected]

 


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Grâce à la préparation individuelle, le cours s’organise de manière interactive selon un besoin pratique.

Johannes Strehler
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​​​​​​​Les prochaines étapes La première évaluation du LMS et des formations en réseau proposées par NICE sera bientôt publiée. Une seconde étude plus approfondie avec des interviews ciblées est en cours de planification. Nous voulons savoir plus précisément quels sont les avantages et les inconvénients du système NICE par rapport aux formations usuelles et comment l’améliorer. Pour nous, il est important que ces connaissances soient reprises dans les milieux scientifiques, car la recherche est encore peu développée sur ces questions dans notre discipline. Nous sommes convaincus de pouvoir contribuer à faire évoluer la formation postgraduée en médecine intensive. C’est d’ailleurs une nécessité compte tenu du manque de relève. Enfin, le personnel infirmier profite également du LMS, ce qui renforce la collaboration interprofessionnelle. Les retours reçus jusqu’à présent montrent que nous sommes sur la bonne voie. Nos jeunes collègues sont séduits par la méthode. Associer l’apprentissage individuel de la théorie à des cours actifs, voire ludiques, mais efficaces suscite l’enthousiasme ! C’est important pour apprendre.

Apprendre à communiquer les erreurs
Pourquoi ce projet est-il nécessaire
Michaela Kolbe : Communiquer les erreurs est essentiel pour la culture de sécurité d’une institution de santé, c’est aussi pour cette raison que le sujet fait couler beaucoup d’encre : comment faire en sorte que les personnes concernées (patients, proches et professionnels de la santé responsables) traversent cette situation sans la rendre encore plus difficile ? De manière générale, on en fait encore trop peu dans ce domaine. Aucune formation n’est proposée parce que la communication des erreurs reste un sujet tabou. Assumer une erreur à laquelle on a contribué soi-même ou un membre de l’équipe est très exigeant sur le plan émotionnel ; à cela s’ajoute la complexité liée à l’interaction entre médecine, éthique, psychologie et droit. Il est donc très important de réfléchir et de se préparer à cet exercice difficile, notamment aussi dans le but de pouvoir l’enseigner aux autres. Une communication inadaptée peut avoir de graves conséquences – il ne s’agit donc pas d’une simple compétence personnelle. L’Hôpital universitaire de Zurich (USZ) a mis en place plusieurs mesures visant à promouvoir une culture active de la sécurité des patients. Notre projet vise à les élargir et à créer un concept de développement des facultés pour la communication professionnelle, en se basant sur l’EPA 9 du référentiel PROFILES concernant la culture de la sécurité en médecine.

L’IA est plus efficace que les moyens didactiques actuels pour entraîner des compétences telles que la formulation d’excuses. - Michaela Kolbe​​​​​​​

 
Dre rer. nat. Michaela Kolbe

Dre rer. nat. Michaela Kolbe, p.-d., directrice du centre de simulation de l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ).
Contact : [email protected]

 



L’IA est plus efficace que les  moyens didactiques actuels pour entraîner des compétences  telles que la formulation d’excuses. 

Michaela Kolbe​​​​​​​

 

​​​​​​​​​​​​​​Ce que la promotion de projets de l’ISFM a permis de réaliser Grâce à la promotion de notre projet, nous avons eu la possibilité de concevoir, de réaliser et d’évaluer un entraînement interprofessionnel par simulation pour les médecins en formation. Après une phase pilote, ce nouvel entraînement doit servir de modèle pour des cours comparables, par exemple pour la préparation à des situations de communication difficiles, comme Breaking Bad News ou Advance Care Planning. Trois institutions de l’USZ sont à l’origine de ce projet : le service de gestion de la qualité et de la sécurité des patients, l’éthique clinique et le centre de simulation. Cette collaboration nous a permis de prendre en compte les aspects essentiels de ce sujet complexe et de les traiter de manière méthodique et innovante. Le cours est un entraînement par simulation permettant d’acquérir beaucoup de pratique, d’observer différentes situations et de se remettre en question. Si l’entraînement par simulation est si important, c’est parce qu’il confronte directement les participantes et les participants à leurs aptitudes réelles, dont la perception diffère généralement de ce que révèlent les exercices pratiques. Un constat très précieux comme le soulignent leurs retours.

Les prochaines étapes La première édition du cours nous a montré que ce thème exigeait beaucoup sur le plan personnel. Nous en tiendrons compte dans le développement des prochains cours, car il est clair que pour enseigner comment communiquer les erreurs, il faut avoir fait soimême l’expérience des exigences psychologiques inhérentes à cette démarche. Notre objectif est de former des « safety culture champions » et des coachs pour « first victim » et « second victim », mais aussi des formatrices et des formateurs en mesure d’enseigner ces compétences. Pour cela, nous allons intégrer cette nouvelle formation continue dans le programme de cours régulier du centre de simulation, ouvert à tous les professionnels intéressés. Une fois que la formation sera totalement au point, elle sera mise à la disposition d’autres organisations. Pour l’instant, nous travaillons intensément avec l’aide de l’IA pour individualiser et personnaliser l’apprentissage en ligne. Nous voulons aussi utiliser l’IA pour que des compétences telles que formuler des excuses ou répondre de manière appropriée à des réactions émotionnelles puissent être exercées de manière plus efficace qu’avec les outils didactiques utilisés aujourd’hui.

Prof. Michael Hirschmann, médecin-chef, clinique d’orthopédie et de traumatologie de l’appareil locomoteur, Hôpital cantonal de Bâle-Campagne.
Contact : [email protected]

Dr Johannes Strehler, EMBA, co-médecin-chef du centre de médecine intensive, Hôpital cantonal de Lucerne.
Contact : [email protected]

Dre rer. nat. Michaela Kolbe, p.-d., directrice du centre de simulation de l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ).
Contact : [email protected]

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